Relations avec les médecins traitants et les assurances

Le MT a un rôle clé dans le partage d'informations entre médecins afin de respecter le secret médical tout en fournissant aux entreprises les informations administratives dont elles ont besoin pour prendre des décisions. (voir texte : Pourquoi des médecins du travail)


Les informations que souhaitent les hiérarchies et les ressources humaines sont en général les suivantes:

  • Le pronostic : dans combien de temps pouvons-nous espérer le retour du collaborateur à son poste de travail? Faut-il chercher et financer un remplaçant temporaire?
  • Les limitations: lorsqu'il reviendra à son poste de travail, le collaborateur pourra-t-il faire l'ensemble des activités de son cahier des charges ou pas? Pourra-t-il travailler selon son horaire habituel/complet ou pas? Pourra-t-il faire des horaires décalés, 3x8, piquets? Si non, quelles seront les limitations, les moyens pouvant les supprimer ou les diminuer, leur durée?

 

Relations avec les médecins traitants


Avec l'accord éclairé du patient-collaborateur, et dans le strict respect du secret médical, le MT prend contact avec le ou les médecin(s) traitant(s) pour obtenir des informations sur la pathologie du collaborateur et les traitements en cours. Dans l'autre sens, le MT fournit des informations au médecin traitant, concernant le milieu de travail et/ou les relations inter-personnelles du collaborateur avec ses collègues ou sa hiérarchie si cela s'avère utile à la guérisonet/ou au retour au travail. Ces informations objectives sur les conditions de travail permettent de mieux évaluer les limitations, prononcer les restrictions nécessaires, et parfois de limiter certains abus. Ces échanges d'informations entre médecins sont soumis au secret médical. Ils sont précieux pour la prise en charge du patient et pour favoriser, sans rechute ni restriction inutile, le retour au travail.


Relations avec les médecins de l'AI et de la SUVA


Le MT peut fournir des informations précieuses sur les limitations au poste de travail aux médecins de l'AI.
Cela peut permettre d'accélérer l'obtention de moyens de maintien au poste, ou de réinsertion, ou de formation, renforçant ainsi le principe de la détection précoce telle que prévue par  l'AI.
Le MT collabore avec les médecins de la SUVA sur les consultations obligatoires de prévention et de suivi (amiante, bruit, expositions aux radiations ionisantes, etc.) et sur les mesures à mettre en oeuvre pour protéger des collaboateurs ou faire le diagnostic de maladies professionnelles.


Relations avec les médecins conseils et médecins experts

Si le collaborateur ne souhaite pas collaborer avec le MT ou si des doutes persistent sur sa capacité/incapacité de travail, l'entreprise peut décider de consulter un médecin conseil, voir de demander une expertise médicale. Le médecin conseil comme les experts ont le rôle de trancher quelque soit la position des médecins traitants et du MT. Ces interventions, rares, sont parfois demandées lors des incertitudes persistantes sur l'état de santé d'un collaborateur.

Le MT peut conseiller l'entreprise sur le médecin conseil (type de spécialité) ou aider à trouver le cabinet d'expertise. Il envoie à ces médecins les informations médicales utiles. C'est au MT que le rapport médical est envoyé afin de respecter le secret médical. Seules les conclusions administratives sont ensuite partagées avec les ressources humaines et la direction.

 

Pourquoi des médecins du travail ?

texte paru dans le lettre de l'AMG N°9, Novembre 2014, p4-9

 

La question est posée par certains. Pourquoi ne pas simplement faire gérer les aspects d’absence maladie, de retour au travail, voire d'arrêt des rapports de service pour cause de maladies, par les ressources humaines?  Cette excellente question mérite une réponse claire soutenue par deux piliers fondamentaux: les compétences spécifiques et le secret médical.

Premier pilier : les compétences

La logique est de confier ces problèmes à ceux qui les connaissent le mieux. La présence de médecins du travail en Suisse, historiquement médecins d’entreprise, s’est mise en place pour garder les collaborateurs à leur poste de travail donc en bonne santé. Cette présence s’est ensuite renforcée pour répondre aux exigences légales (1) qui se sont précisées avec la révision de la directive MSST entrée en vigueur en 2000 (2). L’objectif concret et pragmatique est désormais «d’éviter la souffrance des personnes, la perte d’heures de travail et des dépenses» en faisant « appel aux spécialistes de la sécurité au travail (MSST)». Faut-il rappeler que le M de MSST est le M de Médecin ?
Pour gérer au mieux les relations santé-travail, ce que certains confrères traduisent en « soigner le travail pour éviter qu’il ne rende les collaborateurs malades », il faut d’une part bien connaître « le travail » en parcourant l’entreprise, en visitant les postes, en se formant en toxicologie, en ergonomie, en connaissant la loi sur le travail. D’autre part, pour projeter et prévenir des effets néfastes sur la santé, il faut connaître le corps humain, la santé mentale, et les maladies; cela s’apprend à la faculté de médecine. Cette double connaissance définit le médecin du travail. Elle apparaît logiquement indispensable à la prise de décision des mesures de prévention, individuelle et collective, à mettre en place dans les entreprises. Elle permet le diagnostic de maladie professionnelle. Enfin et surtout, cette double formation est la plus pertinente pour conseiller le meilleur moment du retour au travail et les limitations éventuelles qui doivent l’accompagner.


Deuxième pilier : le secret médical.

Par leur déontologie et le serment qu’ils ont juré, les médecins garantissent le secret médical au collaborateur-patient. Le gros mot est lâché ! Car qui dit secret, dit que certains ne sont pas dans le secret. La plupart des hiérarchies respectent volontiers de ne pas tout connaître de leurs collaborateurs. D'autres, rares, s’irritent de ne pas tout maîtriser. Or la santé est une affaire privée.


C’est parce qu’il connaît à la fois les détails de la maladie, des traitements, et des contraintes du poste, que le MT peut comprendre l’absence, projeter sur sa durée et sur le retour en activité. Il se prononce sur les questions d’aptitude, parfois conditionnelle, de limitations d’activité ou d’inaptitude. Il communique ces informations administratives aux responsables hiérarchiques et aux ressources humaines pour organiser au mieux le retour professionnel, si besoin modifier le poste, ou en chercher un autre pour maintenir le collaborateur au travail en préservant sa santé. En effet, le MT n’agit pas seul dans l’entreprise, mais en collaboration avec les différents acteurs qui “gravitent” autour du collaborateur: hiérarchie, ressources humaines, assurances sociales. Tous doivent se rencontrer régulièrement et œuvrer ensemble, chacun dans les limites de son rôle respectif, afin d’accompagner le collaborateur de la manière la plus adaptée à sa situation. Le rôle du MT s’inscrit donc au cœur du fonctionnement de l’entreprise avec la particularité fondamentale qu’est le secret médical.

 

Avec le consentement éclairé du collaborateur, le MT partage des informations avec le médecin traitant. Ce dernier explique les symptômes évalués, les diagnostics posés, les traitements mis en place. Le MT décrit les risques professionnels et les conditions environnementales rencontrées sur le plan toxicologique, ergonomique ou des relations humaines. Ces échanges se font pour l’avantage du collaborateur, de son retour au travail, du maintien de son cadre financier et social. Toujours dans le plus strict respect du secret médical. Même dans ce cadre déontologique clair, la confiance doit se mériter.

 

Les réponses concernant la durée de l‘absence ou des limitations d’activités ne sont pas toujours rapides. C’est parce que le sujet est sensible. Il s’agit d’êtres humains, tous uniques, nos patients. Nous entendons parfois: « une jambe cassée cela ne m'a pas empêché de revenir travailler après une semaine, moi! » Ou « Cela fait 6 mois qu'elle nous ballade avec ses histoires d'épaule » ou encore « sa soit disant dépression…s'il avait un peu plus de volonté ». Et l’agacement des collègues monte contre le collaborateur absent et parfois contre le médecin qui « le protège ». Mais la plus part des maladies ne s'affichent pas sur le front des humains. Les effets secondaires des traitements non plus. Seul un médecin connaissant à la fois la maladie et l’environnement professionnel peut se positionner sur l'adéquation entre un état de santé et un poste de travail. Le collaborateur lui-même est parfois dans l'erreur. Par exemple, en souhaitant retrouver vite un travail qu'il apprécie, il peut sous-estimer les conséquences d'une chimiothérapie pour évoluer dans une atmosphère à haut risque microbiologique, ou reprendre le port de charges lourdes alors que des discopathies menacent ses racines nerveuses. D’autres, malgré de sérieux problèmes de santé et d’importantes limitations d’activité peuvent refuser l’arrêt maladie ou le changement de poste. Charge supplémentaire et stress pèsent alors lourdement sur leurs collègues et leur supérieur hiérarchique. Là aussi, connaître parfaitement les pathologies, le poste de travail, l'environnement humain personnel et professionnel, et pouvoir discuter avec le médecin traitant, tout cela est indispensable pour donner le juste conseil au collaborateur et à l'entreprise qui l'emploie. En sachant que les MT ne sont pas dupes: connaissant les contraintes d’un poste et les aménagements possibles, ils sont bien placés pour évaluer l’utilité d’un arrêt de travail qui se prolonge, parfois un peu trop, ou qui survient au moment le plus « opportun ». Dans les rares cas où le collaborateur ne collabore plus, que le doute s’installe fortement, c’est le médecin conseil (ou médecin expert) qui peut être amené à prendre le relai et à se prononcer sur des certificats d’arrêt maladie.

Nous comprenons bien le souhait de certains d’obtenir des réponses rapides et claires (pour eux) aux questions des durées d’absence maladie et des limitations d’activités. Mais des réponses trop rapides risquent d’être incorrectes et injustes. De plus, si cette rapidité doit se faire en utilisant des personnes autres que des médecins (les ressources humaines étant alors souvent envisagées), comment ce personnel non médical obtiendra-t-il des informations médicales, donc strictement privées, auprès des médecins traitants ? Comment ces informations seront-elles comprises et utilisées ? Si les réponses ne viennent pas, quelles pressions seront-elles mises sur le collaborateur malade ? Que va-t-il advenir de son poste, puis de sa santé ?
La santé est une affaire sérieuse et privée. Les ponts d’informations entre le monde de la santé et le monde du travail doivent respecter le secret médical et la vie privée du patient. La santé au travail, la médecine du travail mérite des professionnels qui, en toute occasion, respecteront systématiquement et totalement ce secret.


(1)
La santé au travail est régit en Suisse par l’ Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (Hygiène, OLT 3). Extrait ci-dessous :
L'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer et d'améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs. Il doit en particulier faire en sorte que:

a. en matière d'ergonomie et d'hygiène, les conditions de travail soient bonnes;
b. la santé ne subisse pas d'atteintes dues à des influences physiques, chimiques ou biologiques;
c. des efforts excessifs ou trop répétitifs soient évités;
d. le travail soit organisé d'une façon appropriée.

(2)
La révision de la directive MSST, en vigueur depuis le 1er février 2007
• règle l’appel au spécialiste de la sécurité au travail (MSST);
• prescrit une détermination des dangers et la planification des mesures;
• contient des exigences pour les groupes-cibles spécifiques sur le plan du système de sécurité de l’entreprise.
L’objectif concret est d’empêcher, par une procédure systématique, les accidents et les maladies professionnelles et d’éviter ainsi la souffrance des personnes, la perte d’heures de travail et des dépenses.