Informations diverses
MALADIES PROFESSIONNELLES
Le bruit excessif peut favoriser la survenue de tumeurs
Les solvants favorisent le cancer de la thyroide chez la femme
Les pesticides favorisent les leucémies et cancers
STRESS
Mieux connaître le sommeil des ados... et le nôtre !
EDUCATION des ENFANTS
Retour à l’autorité qui autorise…Entretien avec le Pr Marcelli
PROTECTION des FEMMES ENCEINTES
Pas d'AINS pendant la grossesse
EMOTIONS et SCIENCES
Séquelles du stress précoce sur le cerveau des enfants
L'amour maternel modifie notre génome ! Neurosciences en psychiatrie
Pendant toute la grossesse, évitez absolument les AINS
[7 mai 2009]
Pour les rédacteurs de la Revue Prescrire, la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) devrait être déconseillée durant toute la grossesse.
Ce message est en fait plus sévère que celui qui avait été formulé par l’Agence française de Sécurité sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS) au mois de janvier. Selon l’agence en effet, « les AINS sont contre-indiqués à partir du 6ème mois de grossesse, quelle que soit leur voie d’administration ».
Pourquoi une telle sévérité ? « Les effets indésirables des AINS au cours de la seconde moitié de la grossesse sont solidement établis », précisent les rédacteurs de la Revue Prescrire. « Ils exposent les nouveau-nés à des hypertensions artérielles pulmonaires avec fermeture prématurée du canal artériel, et à des insuffisances rénales ». Les données disponibles sur les risques liés aux AINS administrés dans les six premiers mois de la grossesse en revanche, sont moins étoffées. « Durant cette période, les AINS semblent exposer à un risque accru de fausse couche et de malformations, notamment cardiaque du nouveau-né ».
Or le message diffusé par l’AFSSaPS début 2009 ne prend pas en compte ce risque. « Le message est incomplet. (…) Il laisse croire que la prise d’AINS est sans danger durant cette période ce qui n’est pas le cas ». En tout état de cause, il est important de rappeler aux femmes enceintes qu’elles ne doivent en aucun cas recourir à l’automédication sans l’avis de leur médecin.
Source : La Revue Prescrire Mai 2009/Tome 29 N°307 – page 339
Séquelles du stress précoce
Le vécu traumatique dans l’enfance est associé à une augmentation du risque de troubles en rapport avec des situations de stress, elles-mêmes liées à des anomalies structurelles du cerveau. Une étude américaine apporte de nouvelles données dans ce domaine à l’aide d’un modèle animal. À cet effet, 28 singes rhésus (espèce Macaca mulatta) âgés de 24 à 30 mois ont été répartis en deux groupes. Les singes du premier groupe ont été élevés par leurs mères et en compagnie de congénères (eux-mêmes élevés par leurs mères). Quant aux singes du second groupe, ils passèrent les six premiers mois de leur vie en l’absence de mère et en présence de leurs seuls congénères (élevés comme eux sans mère). Les expérimentateurs ont recueilli ensuite des informations d’ordre neuro-anatomique grâce aux mêmes techniques radiologiques couramment utilisées en médecine humaine (imagerie en résonance magnétique). A noter que pour cette connotation de cruauté envers les singes du second groupe (où est ainsi simulé un vécu abandonnique de la petite enfance), cette étude sera sans doute décriée par les défenseurs des animaux.
Cependant, les résultats sont explicites : comparativement aux singes élevés par leur mère, on observe des anomalies significatives chez ceux élevés sans la mère : élargissement du vermis cérébelleux, et de certaines régions du cortex préfrontal et cingulaire (connues pour être des zones sensibles aux situations de stress).
En revanche, aucune différence apparente n’est notée dans le corps calleux ni l’hippocampe. Les auteurs voient dans ces anomalies un substratum organique (un « phénotype structurel » expliquent-ils). Il traduirait en termes neuro-anatomiques et neurophysiologiques les séquelles psychologiques d’une situation de stress précoce (early-life stress) pouvant induire, à l’instar de ce vécu abandonnique chez les petits singes, des troubles neuropsychiatriques chez les primates, y compris chez les êtres humains.
Spinelli S et coll. : Early-life stress induces long-term morphologic changes in primate brain. Arch Gen Psychiatry 2009 ; 66 (6) : 658-665.
L'amour maternel modifie-t-il notre génome ?
L'amour maternel nous rendrait non seulement plus confiants et moins stressés mais parviendrait également à modifier notre code génétique. C'est la conclusion d'une étude* publiée par le Journal of Neuroscience par de généticiens de l'Université de Mc Gill à Montréal. Ils ont observés des rats avec leurs nouveau-nés. Même si l'on ne peut pas comparer la séparation entre la mère-rat et on petit avec la mise en crèche d'un enfant, les mécanismes sous-jacents sont assez semblables. Certes, les rats n'ont pas de crèche, mais ce sont des animaux de laboratoire par excellence parce que leur matériel génétique, leur cerveau et même leur comportement ont de fortes ressemblances avec ceux des humains.
Les chercheurs savent depuis longtemps que les animaux qui ont été tendrement soignés et aimés par leur mère sont moins peureux et plus aventureux. L'effet calmant vient de la modification de l'expression du gène qui contrôle les réponses du cerveau au stress. Cette modification entraîne la croissance de nouveaux récepteurs de stress dans une partie du cerveau appelés l'hippocampe et les nombreux récepteurs atténuent la réaction du corps aux situations stressantes.
A l'inverse, le fait d'enlever régulièrement les petits à leur mère et d'autres évènements désagréables augmentent la quantité d'hormones de stress dans le sang. On constate également que lerus cerveaux sont moins câblés. Les jeunes rats montrent alors toutes sortes de troubles. Dans un cas comme dans l'autre, les expériences menés sur les rats ont montré que les modifications pouvaient être durables et transmissibles aux générations futures.
Prallèlement, de multiples recherches montrent que les enfants qui ont manqué de chaleur maternelle ont une santé physique et mentale plus faibles, sont souvent plus dépressifs et ont plus souvent un comportement criminel ou toxicomane. Il apparait que les expériences d'enfance influencent l'expression des gènes et le développement du cerveau.
La nouvelle étude canadienne jette un éclairage neuf sur l'importance de l'éducation et les expériences de vie sur l'incidence de certaines maladies comme l'obésité le diabète, la dépression. Selon Mooshe Szyf responsable de l'étude: "le fait que l'environnement social puisse modifier nos gènes a des implications énormes pour les humains". "En changeant les personnes d'un environnement à un autre, vous pouvez reporgrammer leurs génomes et causer des effets positifs ou négatifs sur eux pour la vie".
Ces conclusions ne font bien entendu pas l'unanimité et doivent être confirmées.
*Maternal care, the epigenome and phenotypic differences in behavior. Szyf M, Weaver I, Meaney M. Reprod Toxicol 2007 Jul;24(1):9-19. Epub 2007 May 10
Maman j'ai mal au ventre !
Les douleurs abdominales (DA) fonctionnelles sont connues depuis plus de 50 ans et sont responsables d’absentéisme et de nombreuses consultations médicales. Une étude prospective, menée à Chicago, en milieu scolaire a recruté 237 enfants de 2 écoles publiques, d'ethnies et de classes socio-économiques variées. Un questionnaire hebdomadaire a été rempli pendant 16 à 24 semaines. Les enfants (56 % de filles), étaient âgés en moyenne de 11,8 ans et 72 % d’entre eux se plaignait d’au moins un symptôme somatique par semaine.
Pendant l’étude, 45 % ont souffert d’un ou plusieurs symptômes gastro-intestinaux dont 90 % de DA. La prévalence hebdomadaire totale de DA était de 38 % avec un pic en janvier à 51 %. Les DA persistantes étaient fréquentes : plus de 4 semaines consécutives dans 52 % des cas, plus de 8 dans 24 % et plus de 12 semaines dans 18 % des cas. La prévalence hebdomadaire des autres signes digestifs était remarquable : nausées 23 %, diarrhée 9 %, constipation 8 % et vomissements 7 %.
Les céphalées avaient d’autre part une prévalence hebdomadaire de 42 %, seul signe plus fréquent chez les filles.
Fait capital, les DA étaient associés aux scores d’anxiété les plus élevés (p<0,001) et tout autant aux scores de dépression et de qualité de vie en parallèle avec la sévérité des DA. Plus de 80 % des enfants se plaignaient aux parents, ceux-ci administrant alors un traitement antidouleur mais seulement 2 % étaient amenés en consultation médicale. L’absentéisme scolaire lié aux DA a atteint durant l’étude 23 % des enfants, pendant 2 à 3 jours, sans distinction de sexe et en moyenne 4 % des enfants manquaient l’école chaque semaine pour cette raison. Les parents qui restaient à la maison pour garder leur enfant s’absentaient en moyenne 1,9 jours, perdant 313 dollars et ceux qui avaient recours à une baby-sitter, en moyenne 3,6 jours devaient débourser 252 $ !
En conclusion, cette étude prospective en milieu scolaire, confirme la fréquence des troubles psychosomatiques, en premier les céphalées et parmi les symptômes gastro-intestinaux les douleurs abdominales et l’association avec des perturbations psychologiques.
Saps M et coll. : A prospective school-based study of abdominal pain and other common somatic complaints in children. J Pediatr 2009;154:322-26
Neurosciences en psychiatrie: de nouvelles compréhensions
The British Journal of Psychiatry consacre un article* à l’apport croissant des neurosciences en psychiatrie. Celles-ci confèrent une nouvelle et fructueuse dimension à la compréhension de troubles variés, comme l’autisme, les troubles obsessionnels compulsifs ou les phobies.
Par exemple, l’imagerie cérébrale par RMN et gamma-caméra à positons a montré l’existence de corrélations entre des anomalies touchant la zone du « subgenual cingulate » (au niveau du cortex préfrontal) et des troubles thymiques, avec possibilité de prédire la réponse aux traitements antidépresseurs.
Autre avancée, le phénomène de l’ « empathie émotionnelle » redonne tout son sens –étymologique– au concept de sympathie (« souffrir avec », en grec) : les études de l’activation neuronale ont révélé que les mêmes régions du cerveau se trouvent concernées, qu’on éprouve soi-même une douleur, ou qu’on assiste à celle d’un proche. Plus généralement, la notion de «neurones miroir» (développée par Giacomo Rizzolatti vers 1996) expliquerait les comportements d’imitation, bases des interactions sociales. Et leur dysfonctionnement probable rendrait compte des troubles marqués de la communication et de la socialisation, dans l’autisme. À l’appui de cette thèse, il faut rappeler que l’aire cérébrale F5 où sont décrits ces neurones miroirs chez le singe correspond chez l’homme à l’aire de Broca, centre névralgique du langage, expression valable au propre comme au figuré !
Outre ces correspondances entre sensations perçues (observed) et éprouvées (experienced), les recherches récentes mettent en évidence certaines pistes. À la fois neurophysiologiques (comme l’implication de l’amygdale dans la gestion des émotions) et biochimiques, comme le rôle des récepteurs NMDA (N-méthyl D-aspartic acid), avec des perspectives prometteuses contre certaines phobies, grâce à des molécules agissant sur ces récepteurs. Et dès à présent, les thérapies cognitives et comportementalistes constituent une référence éprouvée pour traiter ces phobies (par déconditionnement) ou d’autres troubles anxieux.
*: Harrison NA, Critchley HD : “Affective neuroscience and psychiatry” Br J Psychiatry 2007 ; 191 : 192-194.
Mieux connaître le sommeil des adolescents... et le notre !
Pendant l’adolescence (entre 13 et 20 ans), l’organisation physiologique du sommeil évolue, influençant tant la quantité que la qualité de celui-ci. Dans le même temps, de profonds bouleversements psychologiques conduisent l’adolescent à s’éloigner des schémas parentaux qui organisaient sa vie jusque-là. Il s’ensuit quelques années pendant lesquelles le jeune aura tendance à maltraiter son sommeil pour gérer à sa guise ses soirées, sans contraintes scolaires, familiales et sociales et permettre le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Particularités du sommeil de l’adolescent
Progressivement, le sommeil de l’adolescent devient comparable à celui de l’adulte(1), le temps de sommeil total diminue, il est en moyenne de 8 heures. La plupart des adolescents retardent l’heure du coucher à 22 h 30 et 23 heures. Il existe toutefois des particularités individuelles, les besoins de sommeil pouvant varier de 6 heures (petits dormeurs) à 11 heures (gros dormeurs) par nuit. Cette diminution physiologique de la durée de sommeil se fait aux dépens du sommeil lent profond, tandis que le sommeil paradoxal reste stable (figure 1).
Lorsque l’adolescent écourte ses nuits, le sommeil lent profond, récupérateur, est toujours préservé. À l’inverse, lorsqu’il prolonge de quelques heures son sommeil (le week-end, par exemple), il fait plus de sommeil paradoxal, sommeil de rêves, bons ou mauvais.

Figure1. |
Régulation du rythme veille-sommeil
La régulation du rythme veillesommeil est sous la dépendance de l’horloge biologique (le pacemaker circadien), qui est située dans les noyaux supra-chiasmatiques de l’hypothalamus. L’horloge biologique est réglée sur un rythme de 24,7 heures en moyenne, tandis que la rotation de la terre sur elle-même se fait sur 24 heures. L’horloge circadienne est donc synchronisée sur 24 heures grâce à de puissants donneurs de temps (Zeitgebers) (figure 2).

Figure 2. |
Le plus puissant de ces donneurs de temps est l’alternance lumière-obscurité, mais les rythmes sociaux, l’heure du lever, les horaires de repas jouent aussi un rôle important. Tout décalage entre les besoins biologiques, commandés par l’horloge circadienne et le mode de vie, conduira à une sensation de mal être, de ne pas être en phase (figure 3).

Figure 3. |
Le rythme circadien de veille est plus puissant que le besoin de sommeil, qui est en réalité une mise hors service du système de veille. Ainsi, il existe un pic de vigilance en fin de journée dont l’impact est supérieur au besoin de dormir alors même que l’on est fatigué par sa journée et que l’on a une dette de sommeil. Plusieurs études ont montré que la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale, qui débute au moment du passage du jour à l’obscurité, est retardée et prolongée chez l’adolescent, et significativement corrélée aux stades pubertaires de Tanner. Ces deux éléments particuliers du sommeil de l’adolescent expliquent d’une part, qu’il a peu de difficultés à rester éveillé le soir, d’autre part, qu’il a du mal à se lever le matin (85 % des ados ont besoin de leur réveil ou de leurs parents pour se lever) et qu’il existe des variations de l’heure de lever en fonction du jour de la semaine : jour d’école ou weekend( 2).
Siestes
L’adolescent a souvent une dette de sommeil ; il peut être somnolent dans la journée. Cette somnolence diurne s’explore, dans les laboratoires de sommeil, par les tests de latences multiples d’endormissement (toutes les 2 heures, dans la journée, on propose au patient allongé sur un lit dans une pièce calme et sombre de s’endormir en un quart d’heure). Alors que l’enfant prépupère ne s’endort jamais, l’adolescent s’endort presque systématiquement et rapidement dans l’après-midi. La sieste redevient donc une composante physiologique du sommeil à l’adolescence.
Conflit entre besoins de sommeil et horaires scolaires
Il peut être très intéressant de corréler l’heure d’entrée à l’école et les performances scolaires. Souvent, les adolescents au collège ou au lycée commencent tôt le matin. Par ailleurs, ils ont parfois un long trajet pour se rendre dans leur établissement scolaire (carte scolaire ?). Existe-t-il un conflit entre le désir de performances scolaires et les fonctions biologiques, pouvant entraîner un épuisement physique et/ou psychique et avoir un contre-effet ? Toutes les études montrent une amélioration des performances si l’école commence plus tard à l’adolescence. Même si les effets du manque de sommeil sur le fonctionnement neurocognitif et sur le fonctionnement cérébral sont modérés, il est certain qu’une tendance à s’assoupir en classe diminue les performances (notamment pour les épreuves de mémorisation) et majore les réactions émotionnelles et l’irritabilité. Les adolescents qui ont du mal à se lever le matin sont moins motivés pour les apprentissages et pour peu que les résultats scolaires soient médiocres, ils ont une moins bonne image d’eux-mêmes et se dévalorisent. Mais, quels que soient les appuis des publications internationales dans le sens d’une adaptation des rythmes scolaires à la physiologie de l’enfant ou de l’adolescent, l’institution scolaire ne modifie pas son cadre habituel, bien qu’il paraisse de plus en plus décalé par rapport aux besoins des jeunes et à l’évolution de la société(3).
Les études montrent une amélioration des performances si l’école commence plus tard à l’adolescence.
Variabilité hebdomadaire du sommeil
Comme le montrent toutes les études récentes sur le sommeil de l’adolescent, dont la très intéressante enquête réalisée en 2005 par la Sofres(4) chez 500 adolescents âgés de 15 à 19 ans, les jeunes ne dorment pas assez en semaine et récupèrent le weekend. Si leur temps moyen de sommeil en semaine est de 7 h 45, ils dorment en moyenne 9 h 10 le week-end, 50 % d’entre eux dormant alors 10 heures ou plus. L’heure moyenne du lever les jours sans école se décale en moyenne de 3 h 35. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux se réveillent spontanément après 9 heures, parmi lesquels 40 % d’entre eux se réveillent après 11 heures. Les besoins de sommeil de l’adolescent doivent donc s’estimer sur une semaine et non au jour le jour.
Syndrome de retard de phase de l’adolescent
C’est un syndrome très caractéristique qui touche 7 % des adolescents et se traduit par un retard progressif de l’heure du coucher, une diminution des heures de sommeil et des difficultés pour se lever qui peuvent conduire à un absentéisme scolaire(5). Les trois cas cliniques qui suivent montrent la diversité d’une même symptomatologie chez des adolescents différents et soulignent l’importance de prendre en compte l’environnement scolaire, familial et d’être attentif aux aspects psychologiques. La prise en charge découle de l’analyse sémiologique.
L’analyse de chaque situation doit tenir compte de l’environnement scolaire et familial et des aspects psychologiques.
Sarah, adolescente de 15 ans et demi
Depuis 2 mois, elle a installé progressivement un retard de phase : elle ne s’endort plus avant 2 heures du matin ; elle a de plus en plus de mal à se lever et elle finit par être si fatiguée qu’elle manque la classe régulièrement. Sarah est habituellement une très bonne élève, elle est dans une classe à horaires aménagés, car elle poursuit conjointement un cursus de violoniste au conservatoire. L’agenda de sommeil établi sur 3 semaines a confirmé ces données. Elle voit un psychothérapeute depuis quelques semaines, ce qui lui a permis de faire le point sur ses motivations et son histoire familiale et personnelle, mais n’a pas amélioré son sommeil. Sarah étant très désireuse de s’en sortir, nous avons conseillé une chronothérapie. La chronothérapie est une prise en charge qui propose à l’adolescent de se lever toujours à la même heure quels que soient le jour de la semaine (week-end compris) et la période de l’année (scolarité ou vacances), pendant 3 mois. Cette méthode a pour but de « remettre à l’heure » l’horloge biologique. En effet, dans les décalages de phase, les horaires des patients s’écartent de plus en plus des horaires biologiques, le patient se place peu à peu en libre cours, il ne trouve plus le sommeil le soir et est épuisé dans la journée. Il faut donc l’aider à se resynchroniser et l’un des meilleurs donneurs de temps (en dehors de l’alternance lumière-obscurité) est le réveil matinal. La chronothérapie est fatigante au début car elle aggrave la dette de sommeil, mais elle est ensuite rapidement efficace.
La chronothérapie a pour but de « remettre à l’heure » l’horloge biologique.
La chronothérapie évite le recours aux médicaments et donne de très bons résultats, à condition que :
- le patient souhaite lâcher son symptôme ;
- ses difficultés scolaires ou sociales soient reconnues (en effet, le retard de phase peut cacher une phobie scolaire, l’adolescent ne se couche plus car il ne veut plus aller en classe) ;
- le jeune s’organise des activités agréables et stimulantes le weekend.
- les parents laissent à l’adolescent un espace de liberté.
Bien souvent, il profite de ses soirées pour avoir des activités qui lui plaisent sans subir le contrôle parental : écouter sa musique, discuter avec ses amis par MSN ou chat, s’organiser des blogs… La diabolisation d’Internet n’est pas nécessaire si on lui fait confiance et si on continue à dialoguer avec lui(6). Sarah a très bien accepté la chronothérapie, elle a rapidement retrouvé des horaires de sommeil normaux et a pu continuer brillamment ses études. Régulièrement, elle se décale de nouveau, quand elle est stressée ou à l’approche des examens, et elle revient en parler pour se sentir épaulée dans la reprise de la chronothérapie.
Charles, deuxième d’une famille de 3 enfants
Il n’a pas de problème familial patent. L’éducation est très stricte. C’est un adolescent ouvert, gai, sociable, qui n’a pas de difficulté scolaire. Il fait du sport, a des projets : il veut devenir astrophysicien. Il se couche tard, vers 1 heure du matin, mais se lève sans trop de difficultés, n’a jamais manqué la classe, n’est pas fatigué dans la journée. Il récupère le week-end où il se lève alors très tard, ce qui contrarie beaucoup sa mère, qui vient chercher auprès du pédiatre une justification de ses bons principes éducatifs. Elle repartira contrariée lorsque nous lui avons expliqué les rythmes de l’adolescent, et qu’il ne faut surtout rien faire tant qu’il n’y a pas de retentissement social ou familial. Le retard de phase est l’espace de liberté de l’adolescent ; la soirée leur appartient, elle leur permet de mettre de la distance avec la famille et de s’individualiser. Mais on peut demander de respecter la vie familiale : pas de bruit le soir, poursuite du dialogue, maintien des repas à heure régulière, aménagement des sorties du weekend, organisation de stages sportifs pendant les vacances.
Le retard de phase est l’espace de liberté de l’adolescent.
Oscar, 14 ans
Oscar s’endort vers 2-3 heures du matin, se réveille difficilement (nausées, vertiges), manque l’école quand il est trop fatigué et s’endort en classe. Il est en 4e avec de très mauvais résultats et va redoubler. Il ne fait plus de sport, il joue de la batterie et a peu d’amis. Il vit dans une famille recomposée, en garde alternée, une semaine chez son père, une semaine chez sa mère. Il a des demi-frères et soeurs plus jeunes des deux côtés. Il a peu de contraintes, pas de limites. Il a déjà vu plusieurs psychothérapeutes. Pendant la consultation, il est hostile, agité, répond en grognant et refuse toutes les hypothèses : phobie scolaire, dépression, souffrance par rapport au divorce de ses parents. Il refuse toute prise en charge (chronothérapie, aide médicamenteuse, psychothérapie). Il existe pourtant des éléments de gravité : jeune âge, échec scolaire puis désinsertion, incapacité d’intégrer des limites, provocation. Les risques sont importants : troubles des conduites, dépression, toxicomanie, voire trouble plus grave de la personnalité, dont ce pourrait être le premier signe.
Que proposer ? Si les parents envisagent la pension, il ne faudrait surtout pas qu’Oscar y voit un moyen de se débarrasser de lui et de son adolescence problématique au profit de ses demi-frères et soeurs plus jeunes, qui requièrent toutes les attentions et font l’objet de tous les espoirs. Il paraît important d’envisager une prise en charge familiale et d’établir une alliance avec les parents, proposer de les revoir (le père, la mère, les deux jeunes enfants, avec ou sans Oscar) pour les aider à comprendre cet adolescent et à mettre des mots sur les situations qui les désorientent et les gênent. Mais Oscar est parti sans dire au revoir, en claquant la porte, et les parents n’ont pas repris contact.
Conclusion
Le sommeil de l’adolescent est très particulier ; en dehors de toute pathologie, les variations hebdomadaires désorientent les parents mais doivent être tolérées. Le décalage de phase est fréquent et de sévérité variable, mais la prise en charge demande du temps, car il est nécessaire de faire une analyse sémiologique fine pour porter un diagnostic et proposer un traitement qui repose sur des consultations longues, parfois répétées.
Pour la pratique, on retiendra
Les rythmes veille-sommeil changent à l’adolescence : • le temps de sommeil diminue ; |
Références
1. Iglowstein I et al. Sleep duration from infancy to adolescence: reference values and generational trends. Pediatrics 2003 ; 111 : 302-7.
2. Szymczak JT et al. Annual and weekly changes in the sleep-wake rhythm of school children. Sleep 1993; 16 : 433-5.
3. Wolfson AR et al. Evidence for the validity of a sleep habits survey for adolescents. Sleep 2003 ; 26 : 213-6.
4. Sommeil de l’adolescent. Enquête Sofres 2005 : www.tns-sofres.com/etudes/sante/
5. Millman RP et al. Excessive sleepiness in adolescents and young adults: causes, consequences and treatment strategies. Pediatrics 2005 ; 115(6) : 1774-86. 6. Tisseron S. Les bienfaits des images. Ed. Odile Jacob. Paris, 2002.
L’exposition professionnelle aux solvants, peut etre un facteur de risque de cancer de la thyroide chez les femmes
Plusieurs études ont décrit des anomalies de la thyroïde après exposition à des agents chimiques comme les solvants, certains pesticides organochlorés, les polychlorobiphényles (PCB), l’hexachlorobenzène, les phtalates….
Des épidémiologistes et des médecins du travail suédois ont examiné la relation entre exposition professionnelle à certains agents chimiques et risque de cancer de la thyroïde. Cette relation a été étudiée dans une cohorte mise en place au 1er janvier 1971, comptant près de 3 millions de travailleurs, 1 890 497 hommes et 1 101 669 femmes, suivis près de 19 années durant, d’un lien entre registre des cancers et registre de la population, et d’une matrice emplois-expositions, construite pour cette cohorte, reflétant l’exposition, selon les activités professionnelles, à une série de substances chimiques. La relation entre cancer de la thyroïde et exposition professionnelle à 13 agents chimiques a été analysée dans trois groupes : sujets à exposition possible, à exposition probable, ou non exposés. Des ajustements ont été effectués sur les expositions concomitantes à d’autres agents chimiques figurant dans la matrice emplois-expositions et aux rayonnements ionisants. Au cours du suivi, 1 103 cas de cancer de la thyroïde ont été recensés chez les hommes, 1 496 chez les femmes. Parmi ces cas, 809 et 1 122 respectivement intéressaient des activités professionnelles à expositions chimiques évaluées dans la matrice emplois-expositions. Chez les hommes, un excès de risque, non significatif, de cancer de la thyroïde a été observé chez les travailleurs possiblement exposés aux poussières de textiles et chez ceux probablement exposés à l’amiante. L’analyse met en évidence un excès de risque, non significatif, de cancer de la thyroïde chez les femmes répertoriées comme possiblement exposées aux solvants (RR = 1,16 IC à 95 % 0,81-1,66) et un excès de risque significatif de survenue de ce cancer chez les femmes dont l’exposition aux solvants avait été classée probable (RR = 1,91 IC à 95 % 1,05-3,45). Cette augmentation du risque de cancer de la thyroïde chez les femmes exposées aux solvants en milieu professionnel, était principalement liée aux métiers du cuir, ceux de la chaussure en particulier avec 6 cas observés pour 2,43 cas attendus, les produits incriminés étant entre autres les colles et adhésifs, l’acétone, l’éthylacétate, le dichlorométhane, le toluène. Cette étude, riche d’un suivi de 33 359 168 personnes-années pour les hommes et 20 695 264 personnes-années pour les femmes, suggère un accroissement du risque de cancer de la thyroïde chez les femmes classées probablement exposées professionnellement à des mélanges de solvants, en manufacture de chaussures notamment.
Occupational exposure to chemicals and risk of thyroid cancer in Sweden. Int Arch Occup Environ Health, Publication en ligne, 26 mars 2008.
Les pesticides favorisent la survenue de leucemies et cancers
Avec environ 17 000 nouveaux cas par an, les cancers des ganglions et de la lymphe sont les cancers les plus fréquents après ceux liés au tabagisme. Le rôle de l’exposition aux pesticides dans la survenue de ces néoplasies est fortement suggéré par de nombreuses études scientifiques. Des chercheurs français ont évalué cette relation par une étude cas-témoins multicentrique entre 2000 et 2004 incluant 491 cas incidents, âgés de 18 à 75 ans, comprenant 244 cas de lymphomes non hodgkiniens, 87 cas de lymphomes de Hodgkin, 104 cas de syndromes lymphoprolifératifs et 56 cas de myélome multiple.
Les expositions aux pesticides ont été évaluées par entretiens en tête-à-tête, et deux experts, un hygiéniste du travail rompu à l’évaluation rétrospective des expositions en milieu agricole et un agronome spécialiste des aspects techniques de manipulation des pesticides ont revu, cas par cas, les données d’exposition.
En cas d’ expositions professionnelles aux insecticides, aux fongicides et aux herbicides, le risque de myélome multiple était triplé. Des associations sont mises en évidence entre lymphome de Hodgkin et exposition professionnelle aux fongicides triazolés (OR = 8,4 ; 2,2-32,4) et aux herbicides dérivés de l’urée (OR = 10,8 IC à 95 % 2,4-48,1) ainsi qu’entre leucémie à tricholeucocytes et expositions professionnelles aux insecticides organochlorés (OR = 4,9 ; 1,1-21,2), aux phénoxy herbicides (OR = 4,1 ; 1,1-15,5) et aux herbicides à base de triazines (OR = 5,1 ; 1,4-19,3).
En revanche, malgré des OR accrus, les résultats ne montrent pas d’associations significatives entre lymphomes non hodgkiniens et expositions professionnelles aux insecticides organochlorés et organophosphorés, aux fongicides à base de carbamate et aux herbicides à base de triazines.
Cette étude a pris en compte l’exposition non professionnelle aux pesticides (jardinage, utilisation d’insecticides au domicile…).
Orsi L et coll. Occupational exposure to pesticides and lymphoid neoplasms among men : Results of a French case-control study. Occup Environ Med, Publication en ligne, 18 novembre 2008.